Le 12 octobre, emplacement indéterminé
Extrait de compte rendu d’exploration.
Nous avions remarqué la zone lors d’un repérage usuel sur Google map. Entourée par une forêt rachitique, elle devait s’étendre sur environ 5km2 et semblait être parasitée par d’étranges vagues blanches.
Après avoir franchi un fossé et parcouru une centaine de mètres, nous étions face à elles. Déchets, parpaings, ferraille, électroménager, vêtements crasseux et laine de verre formaient une mer qui semblait pouvoir nous submerger. Au milieu du chaos ambiant, on pouvait discerner une horloge de gare ou d’école dont les aiguilles indiquaient une heure lointaine …
Le virtuel oppose à la crainte qu’il engendre une relative instabilité. Ses failles rassurent et sont bien souvent une injection d’imaginaire. Exploitant les limites du numérique et les grincements de l’architecture, mon travail interroge la ville et sa représentation. Je développe un univers où l’homme disparaît au profit d’architectures stars et d’une technologie dystopique. L’humain est figurant dans le projet, une donnée au format IFC, il est hors champs de l’action-architecture. La construction d’algorithmes de génération urbaine et la création de programmes 3D permettent de déplacer dans le cadre du projet le reste architectural, le “junkspace”. La simulation n’est plus l’idéal, elle crée des espaces nihilistes et transforme la ville en non-lieu narratif. L’architecture n’est plus que symbole : effaçant tout caractère fonctionnel à force de collisions, codifiant la friche, s’auto-déifiant.
Le dessin de projet, la maquette ou la 3D sont autant de techniques de représentation permettant de reconsidérer le construit comme forme silencieuse et d’explorer l’image comme vecteur d’une pensée sculpturale.
Nelson Chouissa est titulaire d’un DNAP à l’école des Beaux-Arts de Nantes, et d’un Master en imagerie Numérique et interactivité à la faculté de Science de Nancy.
Utilisée comme un outil de contrôle et de supériorité, l’image semble indissociable d’un inquiétant pouvoir de distanciation. Continuité d’une réflexion sur la spectralité de l’image et la part d’absence qui s’y reflète, mon travail interroge la mémoire et le fragment pensé comme des figures fantomatiques dans l’ombre du réel.
À travers des installations sculpturales, cinématographiques et sonores, les récits que je développe empruntent au numérique une dimension de cimetière virtuel, étirant une réflexion du monde et de ses lieux abandonnés vers une poétique du désastre et de l’oubli.
Fragments, rêves et cadavres comme autant d’échos éloignés les uns des autres, portent silencieusement la mémoire d’avoir été un jour liés dans le possible passé d’une image survivante, nous survivants, «nous» devenus archives dans l’angle mort du virtuel.
Eloi Jacquelin est titulaire d’un DNSEP à l’ESBA-TALM site d’Angers